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Côte d’Ivoire / C2D Emploi-Jeunes dans le Lôh-Djiboua : Un modèle d’encadrement des jeunes entrepreneurs

Dans la recherche de solutions au chômage et à l’emploi des jeunes, l’Etat de Côte d’Ivoire explore des pistes visant à encourager les jeunes ivoiriens, dans les régions du pays, à créer des Activités génératrices de revenus (AGR) et des Micro et petites entreprises (MPE). En partenariat avec l’Etat français, l’Etat ivoirien a initié, dans le cadre du Contrat de désendettement et de développement (C2D), un volet consacré à l’emploi des jeunes, intitulé ‘’C2D Emploi-jeunes’’.

La région du Lôh-Djiboua, qui a bénéficié de la phase 2 de ce projet (C2D2), par le biais de son conseil régional, semble bien relever le défi, du moins au regard des premiers résultats enregistrés, faisant d’elle et des jeunes entrepreneurs en formation dans cette région des modèles que les autorités félicitent au niveau national. Nous sommes allés à la rencontre de quelques-uns de ces jeunes hommes et femmes et du conseil régional découvrir le secret de ce qui est considéré comme un modèle à encourager dans la création d’emplois jeunes en Côte d’Ivoire.

I/- Des exemples encourageants de jeunes ivoiriens créateurs d’emplois à Divo

Près de 500 jeunes femmes et hommes du Lôh-Djiboua ont été retenus pour bénéficier du financement de leur projet, après une phase de présélection et de formation. Nous avons rencontré à Divo près d’une dizaine de ces jeunes dont une majorité de jeunes femmes, exerçant dans la restauration, la production d’attiéké, la vente de plaquettes d’œufs, la vente de pagnes, l’élevage de lapins.

1-Une restauratrice et propriétaire de maquis parvient à agrandir son affaire

Elle se nomme Tohouri Odio Corinne. Dans la trentaine, cette jeune femme débonnaire, en embonpoint, au sourire contagieux est très avenante, manifestant là les qualités d’une bonne restauratrice et tenancière de maquis. Au quartier Plateau où elle a son restaurant-maquis, elle est parvenue à agrandir son affaire qu’elle gérait modestement avant de bénéficier du financement du C2D-2 Emploi-jeunes, piloté par le conseil régional du Lôh-Djiboua. Elle dispose en bordure de route d’un magasin moyen de stockage d’environ 2,5m sur 5m, nouvellement repeint, et d’un espace clos à la devanture, pouvant contenir cinq petites tables et chaises.

Mlle Ory Corinne n’avait pas de congélateur ni de réfrigérateur pour la conservation des boissons et des produits alimentaires au moment où elle postulait pour le projet. Elle a sollicité un prêt de 500 000 FCFA, mais après l’examen du comité de gestion du projet, elle a bénéficié d’un financement de 700 000 FCFA qui lui ont permis d’acheter un congélateur, des compléments de meubles, d’accroître l’achat des produits alimentaires et des boissons. Seule au démarrage de son activité, elle a employé deux jeunes filles pour l’aider, après l’obtention du soutien financier.

2 – Des jeunes femmes productrices d’attiéké améliorent leurs productions

Au quartier, Konankro-Amitié, vit la famille de Koffi Ligbihio Marie-France. Dans la grande cour de la jeune femme, où des d’enclos bas en tôle séparent par endroits sa maison de celle des voisins, toute la famille, du moins les femmes et jeunes filles de la famille et ses employées, sont à la tâche, au moment de notre passage, guidé par les encadreurs techniques du projet. Sous un préau de fortune, un groupe tamise la pâte de manioc pour en faire de la semoule d’attieké. Un autre groupe de femmes, sous un arbre, épluche les tubercules de manioc. Dame Koffi Ligbihio emploie quatre jeunes femmes, en plus des membres de sa famille dont sa mère, qui l’aident dans le processus de production de l’attieké.

Coiffée avec soin de tresses, elle nous reçoit, habillée en tenue décontractée, un tee-shirt beige et un pagne noué négligemment à la taille. Elle est certainement dans sa tenue de travail. Elle explique qu’elle a reçu un appui financier de 300 000 FCFA du C2D-2 pour accroître sa production et être en mesure d’en exporter dans la sous-région africaine et même au-delà. Elle précise que c’est cela qui l’a motivée à postuler au C2D-2. Elle est satisfaite du projet et remercie les initiateurs.

« Ça m’a permis de renforcer la quantité de mon manioc, et passer de deux chargements de tricycle à quatre par semaine, ce qui me permets de produire beaucoup et de satisfaire ma clientèle. Je dis remercie au conseil régional pour son soutien et à tous ceux qui ont contribué à ce que ça se passe bien », a déclaré dame Koffi.

La seconde productrice d’attiéké, bénéficiaire du projet, est dame Yokoli Affoué Véronique. Elle réside au quartier Vatican de Divo, où elle fait également de l’attiéké. Elle est handicapée physique, et a été éligible à ce projet dans cette catégorie de bénéficiaires. Sac en bandoulière, dame Yokoli semblait nous attendre, car elle était soigneusement habillée en uniforme pagne, et portait une chevelure réunie au sommet de la tête en chignon. Seule sa démarche en venant à notre rencontre a trahi son handicap du pied droit. Dehors, derrière sa cour, elle a un préau de fortune où des jeunes femmes épluchent le manioc. La cuisson de l’attiéké est faite dans la cour de sa maison.

Dans la production d’attiéké depuis cinq ans, elle encadre son petit monde avec deux employés. Elle a reçu un soutien de 300 000 FCFA pour accroître sa production. Elle en a profité pour s’équiper en matériel, notamment de grosses cuvettes, deux machines supplémentaires à presser, et elle a augmenté la quantité de manioc achetée pour produire l’attiéké. Elle est reconnaissante pour son chiffre d’affaires qui a augmenté grâce au C2D2 Emploi-jeunes.

3 – Des vendeurs de plaquettes d’œufs ont renforcé leur commerce

A l’instar de ces trois femmes, d’autres bénéficiaires du projet avancent positivement dans la gestion de leur affaire grâce à cet appui financier du C2D-2. C’est le cas de la vendeuse de plaquettes d’œufs au marché de Konankro, Mlle Konan Brou Jeannette, qui avait sollicité 500 000 FCFA pour agrandir son commerce et se doter d’un solide box métallique. Après examen de son dossier, elle a reçu 700 000 FCFA, qui lui ont permis d’atteindre ses objectifs.

Le président de la plateforme créée par les bénéficiaires du projet, N’Guessan N’Dri Ernest, réalise également la vente de plaquettes d’œufs qu’il livre avec sa moto aux acheteurs. Il a reçu un appui de 300 000FCFA, pour démarrer son activité qui se porte bien, selon son appréciation. La plateforme des jeunes entrepreneurs bénéficiaires fait des expériences de travail et de commercialisation en réseau entre certains membres et qui semblent fonctionner.

La vente de pagne, la riziculture, l’élevage de volaille, l’élevage de lapins, les ateliers de traitement de texte et de photocopie, sont des domaines, où d’autres jeunes bénéficiaires du projet s’y essaient et parviennent à s’en sortir.

II/ – Le mécanisme de soutien aux jeunes entrepreneurs du projet C2D2 Emploi-jeunes

Le processus à suivre pour être retenu au projet se veut assez méthodique. Il amène le postulant à faire la preuve de sa détermination à aller au bout de la réalisation de son projet d’affaire. Sur 8038 postulants, 820 ont été sélectionnés, après le lancement du projet en avril 2021.

1 – Historique du projet C2D Emploi-jeunes

Le C2D Emploi-jeunes est venu à la suite de l’expérience encourageante du Projet emploi jeune du développement de compétence (PEJEDEC), créé en 2012 avec un financement de la Banque mondiale de 50 millions de dollars. Il a bénéficié à près de 30 000 jeunes de 18 à 35 ans de 10 régions de Côte d’Ivoire, sélectionnées pour ce projet. Il a permis d’offrir à ces jeunes des stages, des Travaux à haute intensité de main d’œuvre (THIMO), de l’auto-emploi, des formations professionnelles et de l’entreprenariat.

Après la phase du PEJEDEC 2, la Côte d’Ivoire a été encouragée à poursuivre cette expérience de soutien des jeunes à la création d’AGR et de MPE. Cette vision va aboutir, dans le cadre du C2D, à l’insertion du volet Emploi-jeunes, avec l’ajout de cinq autres régions en plus des 10 ayant participé au PEJEDEC. Le conseil régional du Lôh-Djiboua, qui a postulé en même temps que 16 autres régions, a été retenue parmi les cinq sélectionnées. Avant la fin des 18 mois de durée du projet, le Conseil régional du Lôh-Djiboua a été cité en exemple pour sa bonne gestion de ce projet.

2 – Appropriation du projet par le conseil régional

Le coordonnateur régional du projet au conseil régional du Lôh-Djiboua, Anon Beda Gabin, Directeur général adjoint d’administration (DGA), indique les piliers sur lesquels repose cette réussite.

Dès la sélection du conseil régional du Lôh-Djiboua pour le C2D-2 Emploi-jeunes, son président de l’époque, Dja Blé Joseph, s’est fortement impliqué et en fait une priorité de son action, sillonnant toute la région pour encourager les jeunes à venir s’inscrire pour obtenir un soutien financier pour leurs projets.

Une équipe de gestion du projet a été créée au sein du conseil, pilotée par le coordonnateur, Anon Gabin, pour un suivi régulier des bénéficiaires. Cette équipe a été envoyée en mission à Daloa et à Yamoussoukro, pour apprendre auprès de ces deux meilleures régions de la phase 1 du C2D. Forte de ces acquis, elle travaille également en contact régulier avec un cabinet de formation et d’encadrement technique, 3KDOC Consulting, contacté pour le suivi permanent des bénéficiaires.

Le projet C2D-2 Emploi-jeunes ciblait dans le Lôh-Djiboua 820 jeunes ivoiriens, âgés de 18 à 40 ans. Le projet dans cette région a bénéficié d’un financement de l’Agence française de développement (AFD), pour un montant de plus de 448 millions FCFA, et du conseil régional, pour un montant de 53 millions FCFA, soit un total de près de 502 millions de FCFA.

Après le lancement du projet en 2021, l’on a enregistrés dans le Lôh-Djiboua, pour la phase d’enrôlement, 8038 jeunes femmes et hommes inscrits. La présélection a permis de retenir les 820 jeunes prévus dans le projet. Des pourcentages de catégories de jeunes à retenir étaient recommandés, à savoir 50% de femmes et 50% d’hommes.

Mais dans le Lôh-Djiboua le conseil régional a opté de choisir sur les 820 jeunes 55% de femmes bénéficiaires, et 45% d’hommes, 4% de personnes handicapées au lieu des 2% prévus par le projet. Pour les Micro et petites entreprises, le Lôh-Djiboua a retenu 54% de femmes au lieu de 40% voulus par le projet.

Les 820 sélectionnés ont ensuite bénéficié d’une formation sur la création et la gestion des AGR et MPE et l’élaboration de leurs projets d’affaires. Au terme de 10 jours de formation, 492 jeunes ont été retenus, dont 471 pour les AGR et 21 pour les MPE, après examen de la pertinence de leurs projets.

3 – L’engouement des jeunes pour le projet C2D Emploi-jeunes

En plus de la mobilisation des jeunes pour le C2D Emploi-jeunes, avec 8038 jeunes inscrits en deux mois, l’un des facteurs déterminants de son succès dans le Lôh-Djiboua est la détermination des bénéficiaires.

Dans la mise à disposition des fonds pour le financement, une microfinance, partenaire du conseil régional devait financer chaque projet retenu à hauteur de 30% du coût de celui-ci, remboursables par le bénéficiaire qui doit y ouvrir un compte. Le postulant avait l’obligation de déposer 10% du coût de son projet avant de commencer à obtenir l’appui financier escompté. Selon M. Anon, l’ensemble des 492 jeunes bénéficiaires s’est rapidement acquitté de sa part en moins de deux semaines, là où ailleurs le projet a été retardé dans sa réalisation du fait de la lenteur des postulants à s’acquitter de leur part.

A peine les premières tranches de financements avancées, les jeunes se sont mis au travail et les premiers résultats concluants ont commencé à être perçus au niveau des éleveurs, des riziculteurs, des planteurs de maïs et des maraîchers.  « Beaucoup de jeunes ont réussi leurs projets, et le remboursement qui devait s’étendre sur un an, un grand nombre a fini de rembourser en une seule tranche », déclare le coordonnateur du projet, Anon Beda Gabin.

III/ – La reconnaissance nationale et internationale de la bonne gestion du projet par le conseil régional du Lôh-Djiboua

Une délégation du Bureau de coordination des programmes Emploi, conduit par son coordonnateur, Dr Emane Toualy, a effectué, le 27 avril 2022, une visite dans le Lôh-Djiboua, au terme de laquelle, celui-ci a félicité le conseil régional pour le travail effectué, notamment le niveau d’appropriation du projet dans la région, avec l’implication personnelle du président Dja Blé. Le 28 juillet 2022, à l’auditorium de la Caisse nationale de prévoyance sociale (CNPS) au Plateau à Abidjan, le ministre de la Promotion de la Jeunesse, de l’Insertion professionnelle et du Service civique, Mamadou Touré, recevant les préfets de région et les coordonnateurs régionaux des projets, a félicité également le Lôh-Djiboua pour son niveau d’appropriation du projet C2D2 Emploi jeune.

Le 28 novembre 2022, à la Patinoire de l’Hôtel Ivoire à Abidjan, à l’occasion du lancement du PEJEDEC 3, devant les représentants de plusieurs pays et organisations internationales, la région du Lôh-Djiboua a porté la voix de la Côte d’Ivoire pour partager son expérience de la gestion du C2D-2 Emploi -jeunes, par le biais de l’ex-président du conseil régional, Dja Blé Joseph. Le 25 mai 2023, le ministre Mamadou Touré s’est rendu à Divo, où il a salué l’action du conseil régional dans la gestion du C2D-2.

Pour la suite, le Premier Ministre, Ministre des Sports et du Cadre de Vie, Robert Beugré Mambé, a lancé, le 24 novembre 2023 à Abidjan, la 3ème phase du projet C2D Emploi-jeunes, d’un coût global de 51,6 milliards de FCFA, au profit de 81 420 jeunes. La région du Lôh-Djiboua pourra bénéficier d’un financement de prêt de 1,5 milliard de FCFA, pour environ 3000 bénéficiaires.

« Notre objectif au niveau du conseil régional est de faire en sorte que, dans la région du Lôh-Djiboua, il y ait des modèles d’entrepreneurs, des femmes d’affaires prospères, parce que toutes ces choses vont rejaillir sur notre environnement et sur notre population », déclare le coordonnateur régional. Anon Gabin.

Source : AIP

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