Accueil Nationale Côte d’Ivoire / D’enseignant, il se mue en “menuisier” pour sauver l’école primaire publique d’Ebimpé
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Côte d’Ivoire / D’enseignant, il se mue en “menuisier” pour sauver l’école primaire publique d’Ebimpé

C’est mardi, jour de classe. Le groupe scolaire Ebimpé 2 et 4 commence sa journée de cours. Avec quelques classes clairsemées, l’on sent le début d’année scolaire dans cet établissement de quatre bâtiments, sans clôture, l’un des deux groupes scolaires publics que compte le village d’Ebimpé (commune d’Anyama, Abidjan Nord).

Dans la cour de l’école, des coups de marteau viennent briser cet environnent calme. Devant l’école 2 (Ebimpé 2), un enseignant essaie de donner une nouvelle vie à des tables-bancs déglingués. Koné Fatogoma, enseignant dans la classe de CM2, s’est transformé en menuisier.

De la boite de craie à la boite de coupe, un « petit » pas à franchir

Manier les outils de menuiserie: scies, tournevis, marteau, tenailles, clous… n’a pas de secret pour le maître d’école. Marteau en main, très appliqué, Koné Fatogoma travaille à réparer des tables-bancs défectueux.

« Il y a une insuffisance de tables-bancs. Je suis allé voir dans les autres classes, les tables-bancs cassés et défectueux, j’ai emporté avec moi quelques tables afin de raccommoder les tables-bancs gâtés de ma classe. J’ai pris ces tables-bancs parce que cela fait deux à trois mois qu’on nous promet des tables-bancs, toujours rien! Pour ne pas pénaliser les élèves, j’ai récupéré les tables gâtées d’une autre classe que certains enseignants ont “jetées”, pour raccommoder les miennes », raconte l’enseignant qui prend à cœur le metier.

Il estime que lorsqu’il y a des problèmes, il ne faut pas trop compter sur l’aide extérieure, mais plutôt chercher des solutions par soi-même.

Une passion contagieuse 

“Nous travaillons à cause des enfants donc il faut réparer ces tables-bancs pour eux. Dans ma classe les tables-bancs sont insuffisants. L’année dernière, j’avais 57 élèves au CM2 et aujourd’hui on est autour de 60 élèves pour le moment“, renchérit Koné Fatogoma, aidé par certains écoliers.

Notre menuisier de fortune et ses “apprentis” doivent réparer deux table-bancs ce matin pour permettre à leurs camarades qui attendent d’être installés. « Notre maître raccommode les tables car nous n’avons pas assez de tables-bancs, souvent nos tables-bancs sont cassés et parfois cela nous blesse », déclare l’élève N. Chritinelle, 10 ans, en classe de CM2.

Traoré N’golo Lagui, en classe de CM2, à l’EPP Ebimpé 2, estime qu’il est préférable d’acheter de nouveaux tables-bancs pour leur école parce qu’ ils sont obligés de s’asseoir trois, par table.

“C’est le deuxième jour de rentrée, on n’a pas de régistre, pas de craie. L’école 2, en face de nous, est une vieille école, tous les tables-bancs sont cassés. Pas d’électricité, les toitures des salles de classe coulent”, détaille le directeur de l’EPP Ebimpé 4, Adiko Léon, qui souligne l’arrivée de nouveaux habitants dans le village.

“A cette rentrée scolaire nous avons constaté qu’il y a plein de parents qui sont venus s’installer à Ebimpé avec leurs enfants, nous sommes obligés de prendre ces enfants malgré les effectifs pléthoriques, car il n’y a pas d’autre école ailleurs”, fait savoir M. Adiko.

Aujourd’hui, les deux écoles publiques du village font face à un flux important de demandes, un véritable casse-tête pour les directeurs d’école. “Actuellement, nous prenons les enfants en attendant que le mois de décembre arrive parce que la chefferie veut ouvrir une autre école en décembre”, jubile le directeur de l’EPP Ebimpé 4.

Sauver l’EPP Ebimpé

En plus du problème de mobilier, l’école primaire publique d’Ebimpé ne dispose pas de cantine. D’après le directeur Adiko Léon, certains élèves viennent de loin et ils restent souvent sans manger, toute la journée. Les parents des plus petits (CP1 et CP2) confient souvent la nourriture de leurs enfants aux maîtresses.

« Nous avons  besoin de cantine scolaire parce que les élèves sont très loin de l’école et ils parcourent deux kilomètres pour venir à l’école et aussi, les classes sont pléthoriques et nous avons besoin de plus de classes”, renchérit le directeur de l’école 2, Guépié Marcel.

“En plus de ce déficit de tables-bancs, de cantine, des latrines défectueuses et nauséabondes sont situées non loin des salles de classes. Les élèves ont du mal à faire leurs besoins”, ajoute M. Guépié.

“Nous sommes entourés d’herbes et ces endroits servent de WC public pour les riverains”, s’offusque Koné Fatogoma.

Le bloc des latrines, entouré par des herbes, dégage une odeur nauséabonde. Des sachets plastiques, des vêtements sont enfouis dans les WC qui ne sont plus utilisés par les élèves à cause des ordures qui l’envahissent et le manque d’eau dans l’établissement. L’école ne dispose pas de compteur d’eau non plus.

« Il n’y a pas de toilette et quand j’ai un besoin pressant et que je suis obligé d’aller à la maison pour me soulager et que ça chauffe en route je chie (sic) sur moi », déclare K. A. Elie, en classe de CE2, sous les moqueries de ses camarades de classe.

Un autre écolier, B.K. Salomon, explique aussi que lorsqu’il a besoin pressant, il se rend à la maison. « Quand ça me serre trop, je vais dans la brousse pour me soulager rapidement », déclare l’écolier du CM2.

A. N. Emmanuella, en classe de CE2, pour sa part, affirme que lorsqu’elle a un besoin, elle demande la permission à son maître d’aller à la maison pour aller à la selles et profiter pour boire de l’eau car il n’y a pas d’eau à l’école.

“Ils ont construit les toilettes et il n’y a pas d’eau dans l’école, ni d’électricité. Nous apportons des seaux d’eau de nos maisons pour les mettre devant les toilettes pour que les élèves les utilisent pour aller aux besoins”, témoigne le maître de CM2 .

Des jeunes drogués et oisifs du village ont enlevé les grilles posées devant les latrines et depuis lors, ces WC sont devenus un dépotoir public, s’inquiète Koné Fatogoma. L’absence de clôture expose l’école aux dangers. Des intrusions et des vols sont enregistrés de manière récurrente.

“Les villageois volent ces seaux d’eau. Ils cassent même les portes des classes pour voler le matériel de travail.  Actuellement, on ne peut même pas rentrer dans les toilettes, car elles sont bouchées par des ordures. Des enfants sont obligés d’aller se soulager dans la brousse aux alentours de l’école. D’autres se rendent à leur domicile pour faire leurs besoins et revenir après”, explique le maître de CM2 à l’EPP Ebimpé 2 du groupe scolaire 2 et 4.

À quelques minutes de marche du groupe scolaire 2 et 4, se trouve le second groupe scolaire, le 3 et 1. Ce dernier, qui comprend les écoles 1 et 3, est le plus grand des deux. Contrairement au groupe scolaire 2 et 4, il est équipé d’une cantine scolaire et d’une maternelle. De plus, il bénéficie de toutes les commodités, comme l’eau, l’électricité et des latrines.

Cependant, le groupe scolaire attend toujours la fin des travaux de construction de la clôture, qui ont été interrompus en raison du manque de moyens financiers. Selon la directrice de l’École Ebimpé 1, Mme Kouadio Pkangni Elisabeth, il est urgent de réhabiliter les toits endommagés de l’école et surtout de construire une clôture autour de l’établissement pour des raisons de sécurité.

“J’ai reçu la visite des voleurs, j’ai fait des prises de vue. Nous avons reçu des documents, des livres du CP1, jusqu’au CM2, sauf la classe de CM1 et tous ces livres ont été emportés”, témoigne Mme Kouadio.

Pour des parents d’élèves, l’absence de clôture à EPP Ebimpé 2 est une grande source d’inquiétude.

« A l’école, l’absence d’une clôture ne représente pas une mesure de prudence adéquate pour les enfants, en particulier le matin lorsqu’ils se rendent à l’école et traversent la route pour rejoindre leurs classes. Nous éprouvons des inquiétudes, notamment en raison du passage de gros camions sur cette voie. Nous formulons le vœu que les autorités gouvernementales viennent en notre aide », plaide Abessé Marie Hortense, une riveraine de l’établissement scolaire.

« Il n’y a pas de cantine, ce qui signifie que les enfants peuvent quitter l’école pour acheter leur repas et traverser la route située derrière l’établissement. Cette situation présente un risque pour nos enfants, car ils pourraient sortir de l’école et être impliqués dans un accident sur la route. De plus, il existe également un risque de perte de nos enfants. En tout cas, si l’école était clôturée, cela serait préférable », commente un autre parent d’élève, Traoré Mariam.

Le directeur de l’EPP Ebimpé 2 regrette le fait qu’un devis pour la clôture ait été établi et remis à plusieurs organisations non gouvernementales ainsi qu’à des personnes qui prétendaient vouloir apporter leur aide, mais jusqu’à présent, aucune suite n’a été donnée. “Nous avons entrepris toutes les démarches nécessaires mais elles n’ont pas encore abouti”, rappelle Guipié Marcel.

Il précise que le comité de gestion de l’établissement scolaire (COGES) n’a pas les moyens pour installer l’électricité à l’école, ni l’eau et même n’est pas en mesure de payer tous les trois mois les factures d’eau et d’électricité.

(par Adjoua Philomène Kouamé)

apk/cmas

ENCADRÉ 1

Le centre de santé urbain d’Ebimpé a besoin d’aide. L’infirmier diplômé d’État, Gbamel Koffi, a exprimé ses préoccupations concernant la sécurité routière près du centre. Trois accidents, dont un mortel, se sont déjà produits à proximité. Le centre de santé, inauguré en 1969, a besoin d’être agrandi pour répondre aux besoins de la population croissante. Le nouveau maire d’Anyama, Mme Bamba Fatime, a déjà offert une ambulance et un préau en construction. Le centre a également besoin de médicaments supplémentaires, de lits et d’un agrandissement. Ebimpé abrite le Stade olympique Alassane Ouattara où se joueront les cérémonies d’ouverture et de clôture de la 34e Coupe d’Afrique des Nations (CAN) de football, prévue du 13 janvier au 11 février 2024.

ENCADRÉ 2

Le directeur de l’école Ebimpé 4, Adiko Léon, exprime ses préoccupations concernant la sécurité routière près de l’établissement qui n’est pas clôturé. Les véhicules empruntent un raccourci non goudronné qui passe derrière l’école, ce qui pose un risque pour les enfants qui jouent à proximité. Il évoque également besoin d’électricité, de bancs et d’eau dans l’école, et suggère la construction de deux ou trois écoles supplémentaires pour répondre aux besoins de la communauté. Le groupe scolaire 2 et 4 a besoin d’une centaine de tables-bancs pour combler son déficit.

Selon les données de l’année scolaire 2020-2021, les besoins en tables-bancs sont estimés à 355 905 au niveau national, dont 237 568 pour le primaire, 69 997 pour le premier cycle du secondaire et 48 340 pour le second cycle. Pour l’année 2022, l’acquisition de 191 474 tables-bancs était prévue, et de 451 531 en 2023. L’entreprise SIMDCI prévoit de livrer 300 000 tables-bancs en 2023 pour un coût de 18 milliards de FCFA, réduisant ainsi le déficit à 151 531 tables-bancs. En 2024, il sera nécessaire d’équiper les salles de classe avec 306 480 tables-bancs supplémentaires.

Source : AIP

 

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