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Santé / Encore des défis à relever en dépit des progrès enregistrés dans la lutte contre les décès maternels (Feature)

De 1994 à 2021, le taux de décès maternel en Côte d’Ivoire est passé de 643 à 385 décès pour 100 000 naissances vivantes, selon l’enquête démographique de santé (EDS), une tendance baissière encore loin du taux fixé dans le cadre des Objectifs de développement durable (ODD), de 140 décès pour 100 000 naissances vivantes d’ici à 2030, soit une baisse de près de 60% en sept ans.

Plusieurs causes justifient ces décès résultant des complications liées à la grossesse et à l’accouchement. Les principales sont les hémorragies graves, l’hypertension artérielle, les infections liées à la grossesse, les complications dues à un avortement à risque, les pathologies sous-jacentes qui peuvent être aggravées par la grossesse (comme le VIH/Sida et le paludisme, etc.).

Les chiffres dans les régions sanitaires

Le Programme national de santé mère-enfant (PNSME) relève que 84% des accouchements sont assistés par un personnel de santé qualifié dans un hôpital.

Selon les derniers chiffres de notification des décès maternels, toutes les régions sanitaires de la Côte d’Ivoire ont enregistré des décès au cours de l’année 2022. La région du Gbèkè arrive en tête avec 109 décès, suivie de celle d’Abidjan 1 avec 66 décès et 58 pour Abidjan 2. Le plus faible taux est enregistré dans le Gboklè avec deux décès dans l’année.

Les régions du Bounkani, du Cavally, Moronou, Hambol et du Béré ont chacune des taux de décès à un chiffre et la plupart de ces décès sont notifiés dans les centres de santé lors des évacuations et dans les communautés, mais pas en grand nombre.

« A 86,5%, des femmes arrivent dans des structures de santé, malheureusement, c’est là qu’elles décèdent », a déploré le directeur coordonnateur du PNSME, Dr Gnou Tanoh.

Les résultats de la surveillance des décès maternels révèlent que les décès sont dûs, à 56%, à la qualité de la prise en charge, 29% pour la prise de décision et 15% pour des raisons d’accessibilité.

« Parfois, il n’y a pas de médecins pour la prise en charge quand il y a une complication. Il y a d’autres problèmes qui s’associent à cela. Mais surtout le problème de la disparité et de la mauvaise répartition de la qualité et de la quantité de ceux-là mêmes qui pouvaient prendre en charge les complications », relève Dr Gnou.

Pour la fonctionnalité du système de santé, il a indiqué qu’il faut trois gynécologues dans les hôpitaux généraux et cinq dans les centres hospitaliers régionaux (CHR). « Mais malheureusement, on note qu’on a moins d’un gynécologue pour 100 000 habitants dans 10 régions sanitaires sur les 33. C’est ce qu’il y a à corriger », a-t-il ajouté.

Le directeur coordonnateur du PNSME a par ailleurs pointé du doigt la disparité des pédiatres dans les centres de santé. En dehors des deux régions d’Abidjan, d’Aboisso et de Grand-Bassam, tous les autres hôpitaux ne disposent pas de pédiatres. Tous ceux qui jouent le rôle de pédiatre dans ces centres, sont des médecins généralistes qui ont eu leurs compétences renforcées.

La mortalité maternelle, un véritable enjeu de société, selon la SOGOCI

Pour le président de la Société de gynécologie et d’obstétrique de Côte d’Ivoire (SOGOCI), le Pr Boni Serge, la mortalité maternelle en Côte d’Ivoire est un problème de santé publique, mais il estime que cela devenu maintenant « un véritable enjeu de société ».

La mortalité maternelle, de tout temps, a été un problème dans les sociétés humaines pour l’humanité. Perdre la vie en donnant la vie a toujours été un drame social, humanitaire, économique.

Selon le Pr Boni, des études ont montré que lorsque la mère de famille décède, surtout en milieu rural, la famille passe d’un niveau de pauvreté à un niveau de précarité, c’est-à-dire d’extrême pauvreté. Ces enquêtes ont aussi révélé que les enfants survivants ont un risque, multiplié pratiquement par neuf, soit de décéder eux-mêmes, soit de tomber dans des drames comme l’abandon des études scolaires, le mariage précoce pour les jeunes filles et éventuellement la délinquance et autres.

« Les autres enfants et la famille subissent l’impact de ce décès. C’est donc un enjeu de société. C’est pour cela que c’est toute la société, en réalité, qui doit prendre en main le problème de la mortalité maternelle. Lutter contre la mortalité maternelle, c’est un acte de justice, d’équité sociale pour nous. C’est même, pour nous, une exigence de gouvernance », a relevé le Pr Boni Serge, nommé récemment directeur du pôle gynéco-obstétrique pédiatrique du CHU de Cocody (Abidjan).

Des actions entreprises par le gouvernement dans la lutte contre la mortalité maternelle

La Côte d’Ivoire a fait d’importants progrès dans la lutte contre la mortalité maternelle et infantile ces 10 dernières années, attestés par les chiffres de l’EDS.

Le gouvernement ivoirien a adopté, le 03 avril 2019 en conseil des ministres à Abidjan, un dossier d’investissement de 1,6 milliard de FCFA sur la période de 2020 à 2024, afin de réduire le ratio de mortalité maternelle et le taux de mortalité infanto-juvénile.

« Ce document stratégique s’articule autour du renforcement de la santé communautaire et de la chaîne d’approvisionnement ainsi que de l’amélioration des capacités des ressources humaines et de la qualité des soins, pour des investissements de l’ordre de 1,6 milliard de FCFA », mentionne le communiqué du conseil des ministres.

Sous le leadership du ministre de la Santé, de l’Hygiène publique et de la Couverture maladie universelle, Pierre Dimba, il vient d’être créé de nouvelles spécialités à l’Institut de formation des agents de santé (INFAS). Il s’agit de la spécialité en soins obstétricaux néonataux d’urgence (SONUC), en santé de la reproduction et planification familiale, en pédopsychiatrie, en puériculture orientée vers la santé de la reproduction.

« Nous avons une stratégie qu’on appelle le réseau des soins où il y a 207 maternités qui gravitent autour des pôles d’excellence pour pouvoir amener autour de cinq maternités, une maternité avec un bloc opératoire. C’est ce qui a donné le projet des 62 blocs opératoires en Côte d’Ivoire », a expliqué le directeur coordonnateur du PNSME, Dr Gnou Tanoh.

Plusieurs actions ont été menées, contribuant à la réduction du taux de la mortalité maternelle en Côte d’Ivoire, à savoir l’harmonisation du coût de cession des produits sanguins sur toute l’étendue du territoire, la construction de CHR et de nombreux établissements de santé avec la mise aux normes des plateaux techniques, le lancement de la politique nationale de délégation de tâches (en 2021), la mise en œuvre de la politique nationale de délégation de tâches à travers la formation des médecins généralistes.

Au niveau mondial, l’Organisation mondiale de la santé (OMS) ambitionne d’atteindre un taux de mortalité maternelle de 70 décès pour 100 000 naissances vivantes en 2030 au titre des ODD. Actuellement, il est autour de 223 pour 100 000 naissances vivantes. Il faut que ce taux, dans chaque pays, descende à 140 décès pour 100 000 naissances vivantes.

Les pays développés peuvent baisser de façon importante leurs taux mortalité maternelle et ils sont déjà très bas, mais l’OMS a souhaité que ce soit un mouvement d’ensemble.

Les progrès réalisés dans certaines régions du monde montrent, selon l’OMS, qu’il est possible de réduire le taux de mortalité maternelle, mais des investissements supplémentaires sont nécessaires pour renforcer les systèmes de santé, améliorer l’accès aux soins adaptés et de qualité, et former le personnel de santé pour prévenir et traiter les complications liées à la grossesse et à l’accouchement.

A sept ans de l’échéance des ODD, il faut de nouvelles stratégies innovantes et des interventions à haut impact pour agir sur chaque acteur du système de santé et les autres parties prenantes pour réduire la mortalité maternelle, périnatale et infantile en Côte d’Ivoire.

Source : AIP

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