Le directeur coordonnateur du Programme national de lutte contre le cancer (PNLCa), le Pr Innocent Adoubi, par ailleurs chef du service de cancérologie du centre hospitalier universitaire (CHU) de Treichville, dans une interview accordée à l’AIP, a révélé que l’objectif visé par la Côte d’Ivoire est d’atteindre un taux de survie de 85 % pour les enfants atteints de cancer, à l’instar des résultats observés en Europe.
Pouvez-vous nous donner un aperçu de la situation actuelle du cancer de l’enfant en Côte d’Ivoire ?
Le Pr Adoubi : Le cancer de l’enfant représente environ 3 à 4 % de l’ensemble des cancers. Il est souvent guérissable lorsqu’il est détecté tôt. Aujourd’hui, on enregistre environ 500 nouveaux cas chaque année. Les plus fréquents sont le rétinoblastome, le lymphome de Burkitt et le neuroblastome.
Pourquoi, plus de 70 % des enfants atteints de cancer arrivent-ils à des stades tardifs ?
Les enfants arrivent souvent à des stades tardifs, car les parents sont généralement mal informés sur la maladie. Il est également crucial de former les infirmiers pour qu’ils puissent reconnaître les signes de la maladie. C’est là, le principal souci. Bien qu’il existe des formations de sensibilisation à la population sur les cancers pédiatriques, elles sont encore rares. Les signes cliniques du cancer chez l’enfant peuvent parfois être très subtils, mais il est crucial que les parents consultent un médecin dès qu’ils observent des symptômes inhabituels chez leur enfant. Une détection précoce est essentielle pour diagnostiquer cette pathologie et assurer un traitement approprié.
Vous avez mentionné la subtilité des signes cliniques du cancer chez l’enfant. Quelles autres difficultés peuvent compliquer le diagnostic de cette maladie chez les jeunes patients ?
La véritable difficulté réside dans les contraintes financières. En effet, le processus diagnostic pour les cancers pédiatriques exige fréquemment de nombreux examens biologiques et radiologiques dont le coût peut constituer un obstacle à l’engagement dans une démarche diagnostique et thérapeutique.
Vous avez parlé plus haut des cancers les plus fréquents en Côte d’Ivoire. Quelles sont les zones les plus touchées en milieu rural ?
Nous ne disposons pas encore d’une cartographie précise de cette situation, mais nous y travaillons. Nous savons qu’un grand nombre d’enfants proviennent des zones rurales. Cependant, il nous est pour l’instant impossible de déterminer quelles régions de la Côte d’Ivoire sont particulièrement concernées.
Existe-t-il un taux de survie actuel pour les enfants ?
Actuellement, le taux de survie pour les cancers pédiatriques est d’environ 35 à 40 %. L’objectif est d’atteindre 85 %, comme en Europe. Cela signifie que lorsque les enfants sont vus tôt, les traitements tels que la chimiothérapie, la chirurgie et la radiothérapie peuvent leur offrir de meilleures chances de guérison.
Y a-t-il des centres spécialisés en oncologie pédiatrique à l’intérieur du pays ?
Oui, à Bouaké, un service d’oncologie pédiatrique ouvrira l’année prochaine. À Abidjan, il existe actuellement deux services, l’un à Bingerville et l’autre au centre hospitalier universitaire de Treichville. Cependant, ces services restent insuffisants et il est nécessaire de les étendre davantage sur le territoire. Le ministre de la santé a d’ailleurs lancé le projet des pôles d’excellence santé (PRES) et prévoit la création de tels pôles dans les dix régions de la Côte d’Ivoire.
Que signifie « les pôles d’excellence » ?
Les pôles d’excellence sont des établissements hospitaliers où se concentrent des activités spécifiques liées à une pathologie particulière. Autrement dit, un pôle d’excellence est un centre où des spécialistes et des infirmiers hautement qualifiés sont formés pour traiter cette pathologie. Nous comptons sur ces pôles pour développer et étendre les services de pédiatrie oncologique. Toutefois, il est important de noter qu’il y a un manque de ressources humaines, car en Côte d’Ivoire, nous ne disposons que de cinq cancérologues pédiatres ou plutôt cinq pédiatres spécialisés en oncologie.
Cela veut-il dire qu’il y a un manque de ressources humaines ?
Oui, il y a un manque de ressources humaines, tant au niveau des infirmiers que des médecins.
Quelles initiatives sont actuellement mises en place pour améliorer l’accès aux soins pour les enfants atteints de cancer ?
Actuellement, par exemple, à l’hôpital de Bingerville, une unité d’oncologie pédiatrique a été créée, accompagnée d’une maison pour les parents. Ainsi, les parents venant de l’intérieur du pays peuvent séjourner dans cette maison et assister aux soins de leurs enfants.
Vous faites partie du programme de lutte contre le cancer. Quelles sont les actions de sensibilisation que vous avez menées sur le terrain ?
Le programme de lutte contre le cancer collabore étroitement avec les associations de lutte contre le cancer des enfants. Il en existe quatre ou cinq. En septembre, mois dédié au cancer pédiatrique, nous organisons des sessions de sensibilisation, des conférences, des journées portes ouvertes et nous travaillons avec les hôpitaux pour les dépistages. Nous veillons également à garantir l’accès aux médicaments pour les enfants atteints de cancer.
Quels sont les obstacles rencontrés dans cette sensibilisation ?
Les obstacles incluent la méconnaissance culturelle des parents concernant la maladie, ce qui conduit souvent à une consultation tardive. Il est essentiel de travailler avec les leaders communautaires pour sensibiliser les parents sur l’importance de consulter rapidement en cas d’anomalies, notamment au niveau des yeux, du visage ou de l’abdomen.
Présentez-nous les principaux défis auxquels vous êtes confrontés ?
Comme je l’ai mentionné, les principaux défis sont l’information pour un diagnostic précoce et l’accessibilité aux médicaments. Bien que l’accès aux soins soit relativement bon, il reste insuffisant, car le traitement des enfants peut être coûteux en raison de la chimiothérapie, de la chirurgie et de la radiothérapie. L’objectif est de subventionner les soins pour les enfants.
Y a-t-il toujours un manque de subventions malgré les nombreuses campagnes ?
Des efforts ont été déployés et il y a eu une amélioration dans la fréquentation des hôpitaux, mais cela reste encore insuffisant.
Quelle perspective envisagez-vous pour améliorer la situation des enfants concernés ?
Nous restons très optimistes. De plus en plus de pédiatres et de médecins généralistes sont formés pour orienter précocement les patients vers les hôpitaux. Un nouveau centre ouvrira bientôt à Bassam, qui sera un véritable pôle d’excellence, avec une unité d’oncologie pédiatrique et des spécialistes hautement qualifiés. Ces derniers amélioreront non seulement la prise en charge des enfants, mais formeront également des pédiatres spécialisés en cancérologie, ce qui nous permettra d’accroître notre efficacité.
Source : AIP
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