Dr Diabaté Adama est médecin spécialiste en santé publique et actuel Sous-directeur chargé de la mobilisation des ressources au Fonds national de lutte contre le sida (FNLS). Cet organisme étatique, créé en septembre 2004, fait de la mobilisation de ressources domestiques, aux plans national et international des ressources additionnelles tant publiques que privées, une priorité urgente afin de répondre aux besoins de financement de la riposte nationale au VIH/sida. L’AIP est allée à sa rencontre pour en savoir plus sur le système mis en place pour la mobilisation des ressources à travers le citoyen lambda.
En quoi consiste la mobilisation des ressources au FNLS ?
La mobilisation des ressources consiste à trouver des ressources et à les mettre à la disposition des acteurs qui délivrent des services et/ou de l’assistance aux personnes en situation difficile. Le FNLS collecte et répartie les contributions financières aux organisations pour les activités communautaires pour les personnes infectées et/ou affectées par le sida (PIAVIH) en Côte d’Ivoire.
C’est de faire en sorte que ceux qui détiennent des ressources et qui veulent bien aider prennent connaissance des besoins sur le terrain. Nous sommes donc cette institution qui va capter ces ressources et les acheminer vers les bénéficiaires par l’intermédiaire des « prestataires de services ». En gros, nous sommes le pont entre le donateur et le bénéficiaire.
Comment se fait la mobilisation des ressources et quelles sont les structures et/ou personnes visées ?
Il faut d’abord identifier le genre de ressources car il y a différents paliers. Prenons un exemple simple. Lorsqu’une personne souffre d’un mal, elle va d’abord consulter un médecin qui doit avoir un minimum d’équipements, à savoir, un stéthoscope, un tensiomètre, des gants, une table d’examen… Ce genre de choses basique, pour qu’il puisse faire l’examen médical. J’appellerai cela des ressources opérationnelles. Quand il n’a pas ces ressources, notre rôle est de trouver ces structures et/ou ces personnes qui peuvent en fournir, soit gratuitement (de façon définitive), soit un prêt et récupérer après, ou encore financer l’achat dudit matériel.
Sachez que nos ressources sont d’abord les subventions de l’Etat, à travers les impôts et autres (tels que la Taxe de Solidarité de lutte contre le sida et le tabagisme), les dons des parties privées qui ont des ressources financières ou matériels (vivres ou non vivres, vêtements). Il y a également les entreprises/Fondations du secteur privé, et le secteur associatif.
Chaque Humain a dans ses missions de vie, le besoin d’aider d’autres personnes… Ce sont ces entités philanthropiques que nous approchons pour leur faire connaitre la situation vulnérable des PIAVIH. Il faut signaler que certains patients ne se rendent pas compte de leur vulnérabilité et d’autres même ignorent leur statut… Nous les invitons à se faire dépister et être mis sous traitement en cas de maladie. Notre but au FNLS est d’accompagner les cibles fragiles.
Il est bien d’être généreux, mais il faut que cette générosité puisse porter des fruits à long terme aux bénéficiaires. Le FNLS essaie donc de créer des mécanismes de collecte de fonds pour une prise en charge durable.
Que gagne en contrepartie une entreprise du secteur privé en finançant la lutte contre le sida, puisqu’à la base ces structures recherchent des bénéfices ?
Primo, une entreprise a du personnel qui travaille en son sein. Aussi, les personnels expérimentés font parties des ressources compétitives. Quand vous vous rendez compte que le sida peut vous « voler » vos ressources humaines par la mort ou par un état de maladie infectieuse récurrente et invalidante, cela devient des charges supplémentaires pour l’entreprise et il va falloir les remplacer. Les charges sociales au niveau de la couverture/assurance maladie deviennent énormes. Donc, une entreprise gagne beaucoup quand elle agit sur ce levier car un personnel en bonne santé est productif.
Secundo, une entreprise produit des services et/ou des biens à des consommateurs. Si ces consommateurs meurent en cascade, l’entreprise n’a plus sa raison d’être. Donc, sauver des vies, c’est aussi créer un vivier de clients pour l’entreprise. Il y a va de la responsabilité sociale de l’entreprise.
Tertio, le FNLS a mis en place une communication pour une meilleure visibilité pour faire connaitre aux bénéficiaires toutes les entreprises véritablement engagées dans la lutte contre le VIH/sida. Elles auront leurs logos sur tous les supports qui seront produits dans le cadre des campagnes de sensibilisations et/ou de dépistage sur toute l’étendue du territoire national et ceux produits pendant la Journée mondiale de lutte contre le sida (JMLS) célébrée chaque 1er décembre.
Quarto, il y a des dispositions au niveau des impôts pour un battement fiscale. Le FNLS, étant une structure publique, a une traçabilité lorsque ces entreprises mettent des fonds à la disposition de la lutte contre le sida. Ainsi, il peut argumenter en faveur de l’entreprise pour qu’il y ai un abattement fiscale.
Comment se fait la répartition des ressources mobilisées ?
En fait, nous anticipons en prévoyant la répartition car nous travaillons en fonction du Plan stratégique national (PSN) qui donne les lignes directrices et les priorités nationales en matière de lutte contre le sida. Aussi, nous remercions la diversité de partenaires qui accompagnent la lutte contre le sida en Côte d’Ivoire depuis près de 20 ans, tels que le Programme d’urgence du président américain (USAID/PEPFAR) qui apporte près de 80% du financement, le Fonds Mondial, Expertise France, l’UNICEF… Si le taux de sérologie est passé de 4,7% pendant les années 90 à 1,8% en 2022, c’est grâce aux efforts combinés de toutes ces entités. Mais, il en faut toujours, car les besoins sont encore énormes. C’est le reste des activités que le FNLS soutient les activités qui ne sont pas financées dans le PSN.
Nous faisons également le tri selon une hiérarchie des activités que le FNLS doit financer, en fonction du montant recueilli. Nous identifions les cibles selon leur situation critique pour pouvoir les assister afin qu’elles ne tombent dans l’infection, c’est-à-dire, la phase sida-maladie.
Une fois cela fait, la Sous-direction des Projets du FNLS initie une action de sélection pour avoir des résultats concrets. Il est lancé un appel à projets pour jauger la compétence des structures qui prétendent exécuter ces projets. Mais auparavant, on va évaluer leurs capacités opérationnelles et leur expérience dans l’exécution de ces projets. Ensuite, on donne les financements de façon progressive, c’est-à-dire, en deux ou trois tranches après l’évaluation à mi-parcours de l’exécution du projet, pour s’assurer que les fonds sont utilisés de façon correcte.
Le produit phare du FNLS est le TIMBRE de solidarité. Quelle est votre stratégie pour faire intéresser les populations de manière individuelle, du sommet de l’Etat au citoyen lambda ?
L’ONUSIDA a recommandé aux pays d’avoir des ressources consistantes et durables collectées de façon régulière, pour éliminer le sida d’ici 2030. La Côte d’Ivoire, avec un taux actuel de 1,8% (en 2022), a choisi de développer le reflexe de don à travers une collecte qui peut se faire de façon quotidienne, c’est-à-dire, le TIMBRE de solidarité et le pagne.
Le projet « Timbre de solidarité» permet de contribuer à l’assistance des personnes en situation difficile. Le citoyen lambda peut acheter un timbre de 100 FCFA lors d’une prestation de service à l’état civil par exemple, sur toute l’étendue du territoire. En fin d’année, on peut se retrouver avec un bon montant qui pourra aider. Le déficit de financement est estimé à 60 milliards FCFA, et l’Etat seul ne peut pas faire face.
Le traitement antirétroviral (et les maladies connexes) est estimé à 120.000 FCFA/mois pour un séropositif. Si quelqu’un veut aider, il peut donner 500FCFA/mois. Ainsi, avec 1.000 personnes, ce montant fera 500.000 FCFA/mois, ce qui peut prendre en charge un séropositif sur trois à quatre mois.
Autre approche individuelle : celui qui aura donné 100 FCFA permet à une personne vivant avec le vih d’avoir une partie du traitement qui lui permettra d’avoir au moins 40 mn supplémentaires sur la terre. Donc, les efforts combinés de chacun peuvent prendre en charge un séropositif et améliorer sa vie.
Notre système au FNLS est une combinaison de tous ces efforts. Pour cela, sur instruction de la directrice,
nous serons déployés dans tous les services publics, même des cabinets ministériels et Institutions, pour proposer à tous ceux qui viendront pour des services administratifs, et à chaque personnel, de s’en acquérir en tant que citoyen une fois/mois, en fonction de sa possibilité. Il peut débourser 100F, 500F, 1.000F 10.000F, 100.000 FCFA… Tout cela, pour mieux programmer et accélérer la prise en charge des personnes séropositives.
Une communication se fera dans les médias. Mais déjà, les leaders politiques religieux et communautaires doivent comprendre que c’est une affaire qui concerne chacun des citoyens. Cette communication sera axée sur le bénéfice individuel et la longévité collective pour que notre pays ai une espérance de vie élevée et une prévalence à zéro!
Votre mot de fin
J’invite chacun à la responsabilité sociale. Nous sommes tous garants du bien-être de nos proches. Notre présence dans la vie de quelqu’un doit lui inspirer la sécurité: c’est cela la solidarité, la fraternité. L’humanisme est le fondement d’une société équilibrée. En tendant la main à ceux qui sont dans le besoin et en agissant avec le cœur, chacun peut être un moteur de changement. Ensemble, cultivons la solidarité. Si tout le monde s’y met, nous serons tous des champions du bonheur des uns et des autres.
Source : AIP
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