Bon à savoir / La valorisation des acquis de l’expérience : Une porte vers la reconnaissance et l’émancipation des artisans en Côte d’Ivoire

Dans un monde où l’expertise et  le  savoir-faire sont souvent acquis sur le terrain plutôt que dans les salles de classe, Le Ministère de l’Enseignement Technique, de la Formation Professionnelle et de l’Apprentissage (METFPA) a récemment lancé un programme ambitieux qui vise à valoriser l’artisanat en Côte d’Ivoire à travers la Validation des Acquis de l’Expérience (VAE). Cette initiative permet de reconnaître et de certifier les compétences acquises par les artisans dans le cadre de l’apprentissage traditionnel et informel.

Origine du Programme

Cette initiative s’inscrit dans le Programme Social du Gouvernement et le Programme de l’École de la Deuxième Chance, offrant des opportunités d’insertion professionnelle à un large éventail de la population.

Le Directeur de l’Apprentissage et de l’Insertion Professionnelle, TUO David, a expliqué que l’idée de valoriser l’Apprentissage traditionnel et informel est née d’une collaboration interministérielle entre le METFPA et le Ministère du Commerce et de l’Industrie. Pour le DAIP : « Avec près de 600 000 jeunes impliqués dans l’apprentissage traditionnel, il était crucial de reconnaître et d’intégrer cette main-d’œuvre essentielle à l’économie nationale. »

Une Voie d’Accès à la Reconnaissance Officielle

Selon Moustapha SANGARÉ, Directeur de Cabinet du METFPA, cette réforme vise à offrir une seconde voie d’accession à des diplômes déjà existants, tels que le Certificat de Qualification aux Métiers (CQM) et le Certificat d’Aptitude Professionnelle (CAP). Cette démarche permettra de reconnaître et de valoriser l’apprentissage traditionnel, offrant ainsi aux artisans la possibilité d’entrer dans l’économie formelle.

Avancement du Programme sur le Terrain

Des ateliers ont déjà été organisés pour élaborer les documents opérationnels nécessaires à la mise en œuvre du programme.

L’une des avancées majeures est la création du Certificat de Qualification Métiers (CQM) qui remplacera progressivement les attestations traditionnelles de fin d’apprentissage.

Ce diplôme sera délivré par l’État, offrant ainsi une reconnaissance formelle des compétences acquises. De plus, une Matrice de Compétences sera mise en place pour guider la formation des apprentis et pour garantir la qualité des enseignements dispensés par les maîtres artisans.

Différence entre le CQM
et le CQP

Le  CQM  valide  les  compétences  acquises  dans  le  cadre  de l’apprentissage traditionnel, tandis que le Certificat de Qualification Professionnelle (CQP) est décerné dans le cadre d’un apprentissage en alternance, avec une partie théorique dispensée à l’école et une partie pratique en entreprise.

Rôle des Acteurs Impliqués

Trois ministères clés sont mobilisés pour la réussite de ce programme. Le METFPA est chargé de l’organisation des examens, de l’élaboration des outils de formation, de la supervision de tout le processus et de la délivrance des diplômes. Ce ministère va également renforcer les capacités des acteurs et assurer la gestion du dispositif CQM. Tandis que le Ministère du Commerce et de l’Industrie supervisera la Chambre Nationale des Métiers de Côte d’Ivoire, dans son rôle central de l’organisation des

examens du CQM. À ce niveau, une structure de gestion des examens est en cours de création, avec des instances nationales, régionales et locales, garantissant ainsi une collaboration étroite entre l’État, la Chambre Nationale des Métiers et les bénéficiaires. Le troisième ministère, est celui de l’Emploi et de la Protection Sociale. Il veillera sur les aspects sociaux en faveur des apprentis et des artisans. En plus de ces ministères clés, d’autres ministères sont aussi impliqués.

Une Initiative Prometteuse

La première phase de ce projet pilote a réuni plusieurs experts nationaux de la VAE, ainsi que des représentants du METFPA et de la Chambre nationale des métiers de Côte d’Ivoire. L’objectif était d’examiner les dossiers des candidats et de délibérer sur leur éligibilité à la certification. Cette phase pilote permettra la certification par la VAE de 1500 maîtres d’apprentissage dans 18 métiers différents, sur un total de 5063 candidats enregistrés.

Nous sommes allés à la rencontre de certains artisans pour recueillir leurs avis sur ce programme ambitieux, ces derniers ne se sont pas fait prier pour se prononcer.

Pour N’GORAN  Florent, bottier passionné exerçant depuis 23 ans, obtenir un diplôme représente bien plus qu’une simple reconnaissance. « Je pense que c’est une bonne chose  de la part du gouvernement, car nous sommes qualifiés. Nous connaissons notre travail, cependant, nous n’avons pas de diplôme.  De ce fait, nous sommes confrontés à d’énormes difficultés. Ce qui a pour effet de ne pas nous permettre de vivre de notre art », a affirmé le bottier, tout en remerciant le gouvernement pour ce projet bien réfléchi.

Pour TINDRIBIOGO Marie Madeleine Sara, esthéticienne qui exerce avec beaucoup de passion depuis 2018, cette initiative lui offre une chance de professionnaliser son métier. « C’est un excellent projet pour toutes ces personnes autodidactes comme moi. Car la formation terrain est différente de celle distillée dans les centres de formation. Pouvoir obtenir des diplômes émanant de l’État et aussi former d’autres passionnés qui se verront à leur tour délivrer des diplômes, de sorte à ce qu’elles aussi puissent ouvrir leur institut et former d’autres personnes. C’est une étape cruciale pour l’avenir de nos entreprises. C’est vraiment un très bon projet pour nous. »

Quant au chef artisan de l’atelier de mécanique, SIDIBÉ Salifou qui dit être arrivé à ce métier pour le plaisir, il n’a juste reçu qu’un certificat d’attestation traditionnelle de fin d’apprentissage après la formation. Lui aussi a salué cette action du gouvernement qu’il a qualifiée de « bonne initiative ». Il a, par la suite, cité le cas de certaines personnes dans le même cas que lui «  Nous avons des amis qui ont exercé ce métier en Côte d’ivoire. Une fois arrivés en Europe, faute de diplôme, ils n’ont pas pu exercer leur métier et étaient obligés de changer de voie. »  L’homme exerce sa profession depuis 1993.

GLAI Sede Émile est un ébéniste chevronné. Il est venu à ce métier, car selon lui, il est instructif et complet. « J’exerce dans ce domaine depuis 1980. J’ai un certificat d’attestation traditionnelle de fin d’apprentissage. La nouvelle est très bonne. Nous, artisans, attendons cela depuis de nombreuses années. Avec ce diplôme nous pouvons aller loin. Avec un diplôme, je pourrai accéder à des marchés plus vastes et participer à des projets d’envergure. »

Propos du Ministre N’Guessan Koffi

Le   Ministre   de  l’Enseignement   Technique, de la Formation Professionnelle et de l’Apprentissage, N’Guessan KOFFI, s’est exprimé sur le programme : « L’apprentissage traditionnel est une culture relativement ancienne. Ces jeunes ont appris à être des forgerons, des tisserans, des couturiers (…) Ils ont appris auprès des maîtres artisans. Avec ce dispositif, notre ambition c’est d’aider ces jeunes à reprendre espoir et à persévérer dans les différentes filières d’apprentissage, de sorte à avoir des compétences reconnues.  Nous sommes déterminés à soutenir nos artisans et à créer un environnement propice à leur épanouissement professionnel. »

En reconnaissant et en valorisant les compétences des artisans expérimentés, la Côte d’Ivoire s’engage sur la voie de la professionnalisation et de l’inclusion économique. Cette initiative témoigne de la volonté du gouvernement d’offrir à tous les travailleurs, quelles que soient leur formation initiale, des opportunités d’emploi, d’évolution professionnelle et de bien-être social, contribuant ainsi à la croissance économique.

Source :  JD Mag + TV